« Shinjin datsu raku » (2)

Paul Hōjō Pichaureau

28 janvier 2023, 9 h

Hier soir j'ai parlé de « Shin jin datsu raku », la fameuse parole de maître Nyojō qui a... frappé Dōgen (je voulais éviter de dire : « éveillé Dōgen »).

Il y a dans la littérature zen de nombreux échanges de cette nature qui ont été conservés, de ces moments où le maître certifie le disciple. Ce moment où il lui dit : « Maintenant tu peux aller tout seul, tu n'as plus besoin de moi. Tu as une parole, une vision, une pratique qui te permettent de continuer tout seul, par toi-même ».

Cet évènement, le disciple le vit seul. C'est le gravillon qui frappe le bambou, la fleur de pêcher qui éclot. Le disciple va vers le maître et lui fait part, de manière incompréhensible pour tous, sauf pour eux deux, de son expérience. Le maître lui répond : « Ok, c'est bon, c'est bien ça ».

Bien sûr il est utile et intéressant de comprendre l’éveil de Dōgen, l’éveil de tant d’anciens maîtres, et à quel moment nous vivons nous-mêmes cette découverte, à quel moment nous découvrons les mots, l’acte, l’expérience qui nous permettent ensuite de recommencer à pratiquer seul, vraiment seul.

Nous, aujourd’hui, ne sommes pas tellement dans la situation de Dōgen ou de Nyojō. Nous n’avons pas ce genre de relations avec nos maîtres. Enfin… en ce qui me concerne.

Je suis plus touché par l’histoire de Daibai Hōjō, c’est-à-dire en chinois « grosse prune ». Son maître était Baso.

Baso répétait tout le temps : « Cet esprit même est Bouddha ».

Après avoir pratiqué quelque temps avec Baso, Daibai est parti dans la montagne, pratiquer seul. Un jour, par hasard, un moine qui vivait dans le monastère de Baso, rencontre Daibai dans la montagne. Ils se rendent compte qu’ils sont co-disciples du même maître et le moine lui demande :

— Mais que pratiquez-vous dans la montagne ?

— Eh bien, je pratique : « Cet esprit même est Bouddha »

— Ne savez-vous pas que Baso n’enseigne plus cela ? Désormais il enseigne : « Pas d’esprit, pas de Bouddha ».

Daibai lui dit :

— Je m’en fiche. Moi je pratique : « Cet esprit même est Bouddha ».

Le moine redescend de la montagne, retourne au monastère et va voir maître Baso. Il raconte cette histoire et Baso lui dit : « Eh bien ! La prune est mûre. » C’est-à-dire « Sa pratique est exacte ». Cela signifie qu’il a trouvé l’expérience fondamentale, la parole fondamentale qui lui permet d’agir librement, de pratiquer la voie librement.

Vous voyez, Daibai n’est pas retourné voir son maître. Il était seul, loin, et sa pratique se suffisait à elle-même, sans même de certification.

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